La sous-traitance : de nombreux risques légaux

La sous-traitance est une pratique courante dans les achats de prestations intellectuelles, mais elle présente également des risques légaux importants pour les fournisseurs et les clients. Cet article recense et illustre les risques les plus courants auxquels ils sont confrontés.

1. Délit de marchandage

Le délit de marchandage est défini par l’article L.8231-1 du Code du travail comme « toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail ».

L’élément essentiel est le préjudice subi par le salarié, qui peut par exemple se manifester par un désavantage financier ou par une privation des avantages sociaux dont il aurait normalement dû bénéficier.

Exemple :

Un consultant est en mission chez un client dont le cœur de métier est le même que le sien. De plus, le client n’aurait pas dû faire appel à de la main-d’œuvre externe, car il ne s’agit pas d’un besoin ponctuel sur un domaine qu’il ne maîtrise pas. Le consultant est lésé, car il aurait pu être recruté par le client, et ainsi bénéficier des avantages offerts aux salariés du client (primes, Tickets restaurant, congés, etc.).

2. Prêt de main-d’œuvre illicite

Le prêt de main-d’œuvre illicite consiste en « toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre » (article L.8241-1 du Code du travail).

Ici, l’élément clé est le caractère exclusif du prêt de main-d’œuvre, c’est-à-dire qu’il s’agit du seul objet de l’accord ; il ne s’inscrit pas dans le cadre d’une opération globale. Ce caractère exclusif ou non du prêt de main-d’œuvre s’apprécie selon un faisceau d’indices, qui conduit notamment à apprécier l’existence ou non d’un lien de subordination, la nature de la prestation réalisée et son mode de rémunération.

Exemple :

Un client demande à ce que M. X soit envoyé en mission chez lui. Le client ne prend pas la peine de détailler la compétence recherchée et de délimiter strictement la mission à accomplir, il choisit directement la personne qu’il souhaite voir travailler pour lui. Le seul objet de la convention conclue est de faire travailler M. X chez le client.

Dans le cas du délit de marchandage comme dans le cas du prêt de main-d’œuvre illicite, l’entreprise contourne les dispositions légales protectrices des salariés, ce qui est fortement réprimé. Ainsi, sur le plan pénal, l’entreprise risque deux ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende (sanction pouvant être portée à dix ans d’emprisonnement et 100 000€ d’amende en cas de circonstances aggravantes).

3. Travail dissimulé

Le travail dissimulé, aux termes des articles L.8221-1 et suivants du Code du travail, peut prendre deux formes principales : la dissimulation d’une activité (par exemple une omission de procéder aux obligations déclaratives ou d’immatriculation) ou une dissimulation d’emploi salarié (par exemple une absence de délivrance d’un bulletin de paie ou l’utilisation de faux statuts juridiques).

Exemple :

Un client fait appel à un consultant freelance qui n’est pas immatriculé au RCS et/ou n’a pas procédé à ses obligatio­ns déclaratives auprès de l’Urssaf et de l’administration fiscale.

Autre exemple :

Un client fait appel à un indépendant sous le régime de la sous-traitance, mais le traite en réalité comme un de ses salariés : consignes strictes, obligation de respect du lieu et des horaires de travail, adresse email au nom du client, etc. Le client a donc utilisé un faux statut pour éluder l’application de la loi.

Dans ce dernier cas de figure, l’entreprise en faute cherche à réduire les coûts liés au salariat en donnant sciemment des qualifications erronées aux personnes qu’elle fait travailler pour elle.

 

4. Requalification

La requalification de la relation juridique unissant le travailleur et l’entreprise est la conséquence principale en cas de travail dissimulé. L’employeur sera ainsi contraint de s’acquitter des obligations qu’il a voulu éviter (voir pourra également être condamné sur le plan pénal).

Les trois délits (délit de marchandage, prêt de main-d’œuvre illicite, travail dissimulé) se recoupent parfois et peuvent ainsi se cumuler, mais seulement si les éléments constitutifs n'ont pas procédé, de manière indissociable, d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable (Cass. crim., 10 mars 2020, n° 19-80.768).

Afin de se prémunir contre ces différents risques juridiques, il faut prêter attention à la qualification juridique de la relation nouée avec les prestataires. Il faut à tout prix éviter la création en pratique d’un lien de subordination, qui mènerait à une requalification de la relation en contrat de travail.

Les différents risques juridiques que nous venons d’exposer témoignent du rôle central que prend le devoir de vigilance dans le suivi des achats de prestations intellectuelles. 

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